L’histoire de Revolv avait pourtant bien commencé. Très bien même. Cette solution pour la Smart Home avait tout pour plaire : ergonomique, multiprotocole, intégrant bon nombre de produits connectés, … Un véritable petit bijou technologique ayant pris de l’avance sur la concurrence en étant très simplement au service de la maison connectée. Disponible uniquement aux US elle devait ensuite pouvoir déferler sur le reste de la planète avec une offre de services bien étudiée. Pendant ce temps là, Google a racheté Nest pour en faire son fer de lance pour la Smart Home. Puis Nest à racheté Revolv. Et Nest décide d’arrêter l’aventure Revolv. La fin est annoncée pour mai 2016.
C’est en 2014 que Revolv a rejoint les équipes de Nest. Le terme est correct car ce sont bien les équipes de Revolv qui ont rejoint la branche Smart Home de Google. Ce n’est pas au final la solution qui intéressait Google mais le savoir faire des équipes. Sur ce point il n’y a jamais eu de secret. C’était connu dès le départ. La commercialisation du Hub Revolv avait d’ailleurs été gelée dès l’annonce du rachat. L’absorption de Revolv avait pour but de faire en sorte qu’une équipe s’étant déjà confrontée aux problématiques de la smart home puisse gonfler les rangs de Nest afin de l’aider en 2014 à rattraper le retard sur la concurrence. Revolv avait mis au point une plateforme et des services permettant de faire discuter les objets connectés entre eux. C’est exactement ce que recherchait à faire Google et qui est devenu de nos jours “Works with Nest“. A l’époque je me souviens d’avoir lu qu’avec Revolv, Nest faisait l’acquisition de la “pierre de Rosette de l’IoT”. Rien que ça.
La solution matérielle Revolv était secondaire pour Google. Elle a vivoté depuis 2014 sans trop de mises à jours. Les clients de la solution ont reçu une information leur indiquant que le service Revolv cessera dès le 15 mai 2016. C’est pour eux un peu la douche froide même s’il pouvaient se douter d’une telle issue. Google n’en est pas à son premier arrêt d’activités que le géant considère comme n’étant pas rentables. Dans le cas de Revolv, la pilule passe mal. Ils ne faut pas oublier que les clients de la solution ne bénéficient pas gratuitement du service : ils ont déboursé 300$ pour acheter cette box domotique qui dans un mois ne servira plus à rien car Nest a décidé d’arrêter les serveurs qui sont un élément vital de la solution en même temps que la solution elle même.
Ce qui est reproché outre atlantique n’est au final que l’application des “Terms of services”, ces fameuses petites lignes que l’on ne lit jamais avant d’acheter ou d’activer un service ou un produit. Ils stipulaient que Revolv se réservait le droit d’interrompre le service après en avoir informé les clients. C’est ce qu’ils font aujourd’hui. Cela est d’autant plus mal vécu qu’il ne s’agit pas d’une faillite ou d’une banqueroute. La communication officielle placardée sur le site web de la centrale domotique justifie cet arrêt de la manière suivante:
Nous déversons toute notre énergie dans Works with Nest et nous sommes incroyablement enthousiastes à propos de ce que nous faisons. Malheureusement, cela signifie que nous ne pouvons plus allouer des ressources à Revolv et nous devons arrêter le service. Le 15 mai, 2016, votre hub Revolv et l’application ne fonctionneront plus.
Il ne reste aux propriétaires de cette solution qu’un morceau de plastique bientôt inutile et des périphériques sans chef d’orchestre. La solution n’étant pas construite avec un écosystème propriétaires, les périphérique ne devraient pas partir à la benne avec la box. Nest n’a pas perçu cette manière de faire comme étant une faute de communication. Les quelques clients toujours présents sur la solution n’avaient en théorie plus que leurs yeux pour pleurer,. Ils ont également utilisé leur bouche pour crier. Le tollé entendu suite à l’arrêt de services gratuits de Google (Google reader….) est une chose qui peut être compris au final. On peut arrêter facilement un service que l’on propose sans contrepartie financière dans notre monde. La mort d’un service payant passe tout de suite moins bien. La marque ne revient pas en arrière sur sa décision mais indique aujourd’hui “travailler avec les clients au cas par cas afin de trouver une solution de compensation”.
Un client de longue date de la solution Revolv, considérant l’attitude de Nest comme étant au final qu’un magistral doigt d’honneur à ses clients, enfonce le clou un peu plus loin et se pose une importante question relative à l’IoT:
L’Internet des objets n’annonce pas la fin du concept de propriété ? Achetons-nous juste du matériel éphémère de manière intentionnelle?
L’image que rejette cette interruption de service est des plus négatives non seulement pour la maison connectée mais pour tout le secteur de l’IoT ou l’internet des objets. “L’indélicatesse” du fabricant qui interrompt la solution marque bien que si cette dernière dépends viscéralement d’un système fermé et que les “petites lignes” permettent un arrêt du service du jour au lendemain le client peut être bien démuni. Il a acheté un produit dont l’obsolescence peut être déclenchée à tout instant. Une image terrible pour l’internet des objets qui devra suer encore plus et lutter d’avantage pour tenter de convaincre et de rassurer quand à sa pérennité… et sa raison d’être….
On imagine souvent que les startup sont plus vulnérables que les gros groupes et qu’au final il est plus risqué d’être client d’une TPE/PME que d’une multinationale. Cet exemple montre qu’il n’en est rien. Des solutions permettant de prolonger la vie des produits existent en cas de difficultés. On a une pensée émue pour les propriétaires de Nabastag dont la solution a été remise dans les mains de la communauté. Le Karotz propriété d’Aldebaran n’est jamais devenu Open Source mais des solutions de contournement existent grâce à des passionnés. L’arrêt de la domotique Pluzzy de Toshiba signe le retour de la solution vers le sous traitant Ijenko. La Zibase de Zodianet ne ferme pas, un repreneur relance l’affaire…
Je ne juge pas la décision de Google mais je constate que cela jette un froid au sein des clients actuels et potentiels des objets connectés. On m’a demandé ; “et si Nest décide demain d’arrêter Revolv peuvent-ils en faire de même pour leur thermostat ou leur détecteur de fumée?” Ils le peuvent. Mais le feront-ils?. Je ne puis répondre à leur place.
Nest n’avait pas besoin de cette mauvaise publicité alors que les analystes commencent à trouver cela bizarre que la branche Smart Home de Google avec la puissance de feu de la maison mère n’ait développé que 2 produits (et racheté une caméra). La fin de Revolv est la fin de la box domotique chez Google. Le Hub ne sera qu’une plateforme sur le Web,. Leur IFTTT à eux en quelques sorte. On murmure que l’ambition de Nest n’est pas de fabriquer des périphériques, et que les produits existants ne sont au final que des “proof of concept” démontrant que la plateforme web fonctionne. L’avenir nous le dira.
Enfin, comme on est vendredi je me permet de lancer une idée pour le weekend:
Il est certain que nous vivons à l’ère de la technologie jetable. Nombreux sont ceux qui achètent de nouveaux téléphones ou ordinateurs portables tous les deux ou trois ans. Mais nous nous attendons généralement à ce que nos vieux gadgets soient encore utiles en tant que produits d’occasion ou d’appareils de rechange. Nous ne nous attendons pas avoir à les envoyer à la benne juste parce que l’entreprise chez qui nous les avons achetés a décidé de cesser de les maintenir.
Porté par de petites entreprises ou grands groupes, l’IoT n’a pas besoin de systèmes fermés. La solution n’est pas forcément de bannir le Cloud. Le système connecté n’est pas forcément le démon à fuir à tout prix. Et si la mauvaise idée était finalement la dépendance aveugle avec un service? Et si le point faible de l’IoT était le système fermé et opaque. Osons les systèmes ouverts, libres, interopérables saupoudrés de blockchain…
Bref, quoi qu’il en soit Revolv est bien mort. Chez les humains on dit que l’âme du défunt va au ciel. Chez Nest on retiendra que la technologie de la box domotique physique s’en va dans le Cloud.