En juin 2015, souvenez-vous, je vous racontais le projet fou de la société MX3D. Elle souhaitait faire la démonstration de son savoir faire en réalisant un pont pour relier les 2 berges d’un canal à Amsterdam. Jusque-là rien de spectaculaire qui ne fasse rêver les technophiles ni le commun des mortels. La caractéristique de cette réalisation réside dans le fait que ce pont devait être entièrement imprimé en 3D, … en acier. Six ans plus tard, le pari a bel et bien été remporté ! Le premier pont en acier imprimé en 3D au monde vient d’être installé le 15 juillet 2021 sur le canal Oudezijds Achterburgwal à Amsterdam.
L’imprimante 3D utilisée pour réaliser cette prouesse est du même style que celle que l’on peut retrouver dans certaines mises en œuvre d’impressions 3D de maisons en béton. À l’aide de robots industriels classiques, mais équipés d’outils spécialement conçus pour pouvoir réaliser cette tâche, la société néerlandaise MX3D a imprimé en 3D en acier cette passerelle piétonne de 12,2 mètres de long pour 6.3 mètres de large.
Elle aura demandé finalement 6 ans de travail, mais à elle été réalisée en 6 mois étalés de 2017 à 2018 en utilisant 6000 kilos d’acier. L’installation du pont a ensuite été retardée notamment parce que le mur du quai devait être consolidé. Il n’avait pas été conçu pour cela lors de sa construction. Pour donner vie à la passerelle, l’entreprise a utilisé une technique appelée en anglais “Wire and arc additive manufacturing” (WAAM) qui combine la robotique et la soudure à l’arc.
On va le préciser tout de suite : elle entièrement fonctionnelle et est désormais ouverte aux piétons ainsi qu’aux cyclistes.
La passerelle a été construite dans les ateliers de l’entreprise. Les conditions d’impression requises ne permettaient pas de l’imprimer sur place. La passerelle a ensuite été convoyée par camion puis sur une barge jusqu’au centre d’Amsterdam pour venir s’y poser au-dessus de l’eau. La passerelle permet aujourd’hui de traverser l’un des canaux les plus anciens et les plus célèbres du centre d’Amsterdam, le Oudezijds Achterburgwal.
Si les robots soudeurs ne sont pas une révolution en soi, ils œuvrent depuis pas mal de temps sur des chaines d’assemblage automobiles par exemple. Leur utilisation pour déposer de la matière afin de construire ou ouvrage d’art est bien plus innovante. L’approche unique de MX3D, qui utilise son propre logiciel propriétaire, lui permet d’utiliser la technique de fabrication additive (le mode d’impression 3D le plus répandu pour imprimer en plastique des pièces en 3D) pour créer des structures solides, complexes et gracieuses en acier.
Le pont imprimé par MX3D a été inauguré mi-juillet par Sa Majesté la reine des Pays-Bas, Máxima. Lors d’un événement organisé pour l’occasion la reine des Pays-Bas a inauguré la passerelle. Elle a été assistée par un robot qui a solennellement coupé le cordon de cette première passerelle en acier imprimée en 3D au monde. De la conception à la réalisation la passerelle a fait appel à de nombreux partenaires industriels tels que: Air Liquide, ABB, ArcelorMittal ou encore Autodesk.
Cette structure n’est pas seulement issue d’un procédé de création original. La passerelle imprimée en 3D est aussi bardée de multiples capteurs. Le pont connecté collecte des données des passants qui l’emprunte. Ces données permettront de savoir comment la passerelle est empruntée, mais également elles serviront à qualifier l’usure dans le temps de cette construction. En tant que première mondiale il est normal que l’on n’ait pas de recul sur la résistance dans le temps de ce type d’ouvrage…
Avec la contribution de chercheurs universitaires et industriels, la ville d’Amsterdam utilisera les flux de données du pont pour explorer le rôle des systèmes IoT dans l’environnement bâti. Les systèmes analyseront de manière anonyme le comportement de la foule pour mieux comprendre l’impact du tourisme dans le quartier. Ces capteurs seront également des éléments de sécurité. Ils seront chargés de surveiller les charges, les déplacements et les possibles déformations de la structure.
L’ensemble de capteurs fixés au pont après l’impression peuvent en effet surveiller la déformation, le mouvement, les vibrations et la température de la structure au fur et à mesure que les gens passent dessus et que le temps change. Ces données seront intégrées dans son jumeau numérique, un modèle numérique retraçant les moindres caractéristiques du pont. Le projet aborde au passage les questions de l’ouverture des données, de l’éthique des données et de l’appropriation par les citoyens des analyses de la ville.
La passerelle est maintenant entièrement opérationnelle et est en fonctionnement pour que le public puisse l’emprunter. Si vous voulez le fouler de vos propres pieds à l’occasion d’un voyage à Amsterdam, il faudra faire vite, le pont n’est prévu pour l’instant d’être en place que pendant deux ans, le temps que le pont précédent n’achève sa rénovation. Cela vous fera une excuse pour vous rendre dans le fameux Quartier Rouge, le Red Light Distrinct connu notamment pour ses prostituées, ses clubs et ses coffee-shops.