Le 29, 30 et 31 mars dernier, se déroulaient un peu partout en France les Journées de l’Énergie. Cet évènement s’inscrivait pendant la Semaine du Développement Durable, ayant pour thème la Transition Énergétique. A cette occasion, RTE ouvrait ses portes à tous les curieux qui souhaitaient mieux comprendre le rôle du réseau de transport d’électricité dans le quotidien en général et dans le cadre de la transition énergétique en particulier. On pouvait dès lors visiter des postes de contrôle, des postes de transformation, le centre de formation ou encore le show-room R&D et Innovation.
C’est au sein du département Recherche, Développement et Innovation de RTE que je me suis rendu afin d’en apprendre un peu plus sur les sujets d’actualité que sont la transition énergétique et les Smart Grids.
Qui est RTE?
Filiale de EDF, RTE (Réseau de transport d’électricité) est l’opérateur du réseau de transport d’électricité français. Ayant le statut d’entreprise de service public, elle a pour mission l’exploitation, la maintenance et le développement du réseau haute et très haute tension. Avec 100 000 km de lignes comprises entre 63 000 et 400 000 volts et 46 lignes transfrontalières, RTE est garant du bon fonctionnement et de la sûreté du système électrique.
RTE gère le réseau électrique français c’est à dire le réseau de transit et de transformation de l’énergie électrique, entre les lieux de production et les lieux de consommation. Il comprend le réseau de grand transport et d’interconnexion (400 000 volts et 225 000 volts) et les réseaux régionaux de répartition (225 000 volts, 90 000 volts et 63 000 volts).
Si l’on regarde l’ensemble du réseau électrique, on note qu’il est géré par 2 opérateurs : RTE pour le transport d’électricité sur les longues distances, ERDF pour sa distribution jusqu’aux consommateurs. RTE ne s’occupe que des Très Hautes Tensions et des Hautes Tensions
La transition énergétique
Les énergies
Tout d’abord, il semble utile de rappeler que l’énergie provient de sources que l’on trouve dans la nature :
- bois, vent, rayonnement solaire, chutes d’eau, marées, chaleur interne de la terre (sources d’énergies renouvelables),
- le charbon, le pétrole, le gaz, l’uranium (sources d’énergies non renouvelables).
Afin de tenter de définir simplement ce qu’est une énergie renouvelable (EnR en abrégé) on peut dire qu’une énergie est dite renouvelable si sa source peut se reconstituer à l’échelle temporelle de notre civilisation. Ce sont donc toutes les formes d’énergies dont la consommation ne diminue pas la ressource à l’échelle humaine.
Le bois est une énergie renouvelable tant qu’on abat moins d’arbres qu’il n’en pousse!
La transition énergétique
Concernant la transition énergétique, la définition officielle du gouvernement propose:
La transition énergétique est le passage d’une société fondée sur la consommation abondante d’énergies fossiles, à une société plus sobre et plus écologique.Concrètement, il faut faire des économies d’énergie, optimiser nos systèmes de production et utiliser le plus possible les énergies renouvelables. Aller vers un modèle énergétique qui permette de satisfaire de manière durable, équitable et sûre, pour les hommes et leur environnement, les besoins en énergie des citoyens et de l’économie française dans une société sobre en énergie et en carbone.
C’est un nouveau modèle à inventer : plus juste, porteur d’emplois et d’activités économiques.
Les enjeux de la transition énergétique sont triples:
- Écologiques : réduire nos émissions de gaz à effet de serre et maîtriser l’ensemble des impacts environnementaux et sanitaires
- Économiques : réduire notre dépendance énergétique, gagner en compétitivité et créer de l’emploi
- Social : maîtriser le prix de l’énergie pour lutter contre la précarité énergétique
L’adaptation au cas de RTE
Dans la notion de transition énergétique utile pour RTE, on ne parle que de l’énergie électrique.
On peut retenir ensuite que cela englobe la manière dont l’énergie électrique est produite, la manière dont l’énergie électrique est transportée et également la manière dont l’énergie électrique est consommée.
RTE participe activement au débat national sur la transition énergétique et s’implique dans l’accompagnement des politiques énergétiques régionales, au travers des outils de planification prévus par la loi. RTE accompagne également les industriels porteurs de projets (parcs éoliens, photovoltaïques…) pour étudier avec eux les meilleures solutions d’implantation, pour un raccordement optimal au réseau.
Dans le cadre de ses missions de service public, RTE garantit l’approvisionnement et la sûreté du système électrique français, quelles que soient les politiques énergétiques retenues.
La mission de RTE est de transporter tous les électrons quelque soit leur origine et leur destination.
Un objectif européen… avec une ambition française
En adoptant en 2009 les objectifs européens dits du “paquet climat”, ou encore des “3×20”, les pays de l’Union Européenne se sont engagés dans un effort collectif et incontournable en vue d’atteindre, d’ici 2020 :
- -20% d’émissions de gaz à effet de serre (par rapport à 1990). Il s’agit d’un engagement ferme et unilatéral de l’Union européenne Cet engagement pourrait être porté à 30 % à condition d’un engagement comparable des principaux pays concernés
- +20% d’augmentation d’efficacité énergétique (par rapport à 1990). Il s’agit d’un objectif non contraignant d’atteindre au moins 20 % d’économie de consommation d’énergie par rapport à un scénario tendanciel.
- 20% de part des énergies renouvelables dans la consommation européenne. Il s’agit d’un objectif contraignant d’atteindre au moins 20 % de contribution des énergies renouvelables, toutes formes confondues, à la consommation totale d’énergie finale. Dans les transports, un objectif spécifique de 10 % de biocarburants dans la consommation totale d’essence et de gazole est également fixé
Le gouvernement français envisage également une modification de la répartition des sources de productions: le mix électrique. Le mix électrique actuel va être revu afin réduire la part de la production d’électricité d’origine nucléaire au bénéfice de celle issue des Énergies renouvelables (EnR). Le président de la République s’est engagé à diminuer la part du nucléaire de 75 % à 50 % d’ici à 2025.
Relever le défi de la production variable
Avec la production électrique nucléaire (centrales), thermique (charbon,..), hydraulique (barrages,…) il est “relativement” simple de produire l’énergie nécessaire en fonction de la demande. On arrête une centrale, on relance la production du barrage… L’homme peut en théorie intervenir pour produire ce qu’il souhaite consommer. Avec une éolienne on est tributaire du vent. Avec le photovoltaïque on dépend de l’ensoleillement (dans ce cas aucune énergie ne peut être produite la nuit!). Les choses se compliquent.
Le grand défi que pose donc l’intégration massive des énergies renouvelables réside dans leur caractère intermittent : leur production est variable, dépendante des conditions climatiques. La production des énergies renouvelables varie en fonction du jour et de la nuit, des saisons, du vent.. Il ne faut pas oublier que si les jours de grand vent, la puissance produite peut avoisiner 100% de la puissance installée, elle peut également tomber à 0% en période de calme plat.
Toute modification de la production d’électricité a des incidences sur le réseau! RTE se doit toujours de transporter l’électricité quelque soit sa nature et quelque soit le lieu géographique de production ou de consommation.
Comme l’électricité ne se stocke pas à grande échelle RTE, qui doit assurer à tout moment et en temps réel l’équilibre entre la production et la consommation, doit anticiper l’activité économique, les modes de vies… et maintenant les conditions climatiques. Cela lui permet de réaliser sa mission de routage de l’énergie sur l’ensemble du territoire de manière neutre et efficace.
Relever le défi de la production locale et de la consommation globale
Pour la production d’électricité, on doit adopter le type d’énergies renouvelables en fonction du lieu géographique. Il n’est pas raisonnable d’implanter du photovoltaïque dans le Nord de la France par exemple car le rendement ne serait pas intéressant. Il ne faut pas non plus oublier que la consommation se fait à tout moment et en tous points du territoire.
Schématiquement la France est coupée en 2: au Nord on fera appel à l’énergie éolienne tandis qu’au Sud on bénéficiera des rayons du soleil.
Les zones à fort potentiel d’EnR sont très concentrées, inégalement réparties sur le territoire et distinctes des sites actuels de production. Leur localisation est liée à la répartition des ressources naturelles. Raccordées au réseau national, ces énergies sont viables. En effet, là où le développement éolien ou photovoltaïque est possible, on se situe souvent dans des zones de faible consommation. La puissance installée sera supérieure aux besoins locaux. Le réseau de transport de l’électricité national leur offre la possibilité de rediriger les surplus d’énergie produite vers des zones de plus forte consommation.
Sans ce réseau, la production des énergies renouvelables tournerait pour rien. Il ne serait par rare de devoir arrêter la production éolienne par exemple en cas de vent soutenu car la consommation locale ne suffirait pas à absorber la production alors que le sud du pays est demandeur d’énergie électrique.
La clé de l’optimisation de la production des énergies renouvelables réside donc dans un agrandissement de la zone géographique de production / consommation. Si l’on cherche plus loin, en s’étendant au delà des frontières, on sera dépendant de conditions météorologiques bien différentes et l’on aura ainsi diversifié les risques en réduisant en même temps les impacts du nuage venant cacher le soleil dans le sud-est de la France en cas de grand vent en Finlande. Il faut penser au développement des échanges d’électricité au niveau de l’Europe. Avec sa situation géographique centrale la France et RTE ont un rôle majeur à jouer.
En mutualisant la production à base d’EnR à l’échelle de l’Europe on pourra alors bénéficier à la fois des vents de la mer du Nord et du soleil de l’Espagne. On pourra également bénéficier des habitudes de vies différentes d’un pays à l’autre pour réguler l’offre et la demande.
Réduire les pics de consommation
Une autre manière de gérer la transition énergétique est d’agir sur la consommation. Il est important de mieux maitriser la demande d’énergie. Il faut consommer moins mais également consommer mieux en répartissant la consommation plus équitablement dans le temps en limitant les pointes de consommation à certains moments de la journée.
En France compte tenu du nombre de foyers équipés de chauffages électriques, la consommation électrique est très dépendante de la température. La France est dite « électro-sensible » au froid. La baisse de 1 degré Celsius, provoque une consommation supplémentaire de 2 300 mégawatts. Cela correspond à 2 fois la consommation d’électricité de la ville de Marseille… Il est inutile de préciser qu’en hiver la consommation grimpe bien.
Si l’on rajoute à cela le fait que l’on revient tous à peu près aux mêmes heures à la maison après la journée de travail, cela produit le moment le plus redouté par RTE et des producteurs d’électricité: le pic de 19h! On atteint alors le maximum de la journée en mettant tous ensemble notre électroménager, notre four, la télé, l’éclairage public et domestique, le chauffage poussé un peu plus fort… tout participe à cette hausse.
La tendance est donnée : en dix ans, la consommation maximale d’électricité a augmenté de 25 %. Les causes sont multiples: croissance démographique, développement du chauffage électrique, des transports urbains et des technologies de l’information et des communications… A cela devraient s’ajouter un élément qui n’est pas encore bien quantifié aujourd’hui mais qui risque de bousculer les choses: la recharge de nos voitures électriques… Que va-t-il se passer lorsque l’on rentrera à 19h à la maison si on recharge tous en même temps nos voitures?
Pour RTE la réduction de ces pointes de consommation fait partie des mesures incontournables de la maîtrise de la demande en électricité. Les 2 initiatives suivantes et dès à présent disponibles vont en ce sens:
Sans mesure, point d’économies. A ce titre RTE propose le service d’information éCO2mix. Il offre un suivi en temps réel des variations de la consommation tout au long de la journée. éCO2mix indique également la répartition entre les différentes filières de production d’électricité qui couvrent les besoins de la consommation française de la veille et les émissions correspondantes de CO². Les informations sont remises à jour toutes les 15 minutes et sont consultables sur le site Internet de RTE mais également via d’une application pour smartphone.
2 régions sont fragiles vis à vis de l’alimentation électrique: la Bretagne et l’est de la régions PACA. RTE a lancé le dispositif ÉcoWatt dans ces deux régions. Il repose sur une démarche volontaire et citoyenne qui incite les habitants à freiner leur consommation d’électricité en particulier en hiver, le matin et entre 18h et 20h. En cas de risque de coupure, quand le réseau arrive à saturation les jours de grand froid, les consommateurs ou ÉcoW’acteurs reçoivent une alerte (mail ou SMS) leur donnant un signal pour les encourager à modérer leur consommation et à adapter leurs usages. EcoWatt Bretagne compte aujourd’hui 45 000 abonnés et EcoWatt Provence Azur 12 000.
Renforcer le réseau
Le développement du réseau de transport est indispensable pour opérer la transition énergétique. Contrairement à une idée répandue, le réseau actuel n’est pas à mettre à la poubelle : “le développement des sources de production décentralisées ne rend pas les artères de transport d’électricité caduques”. C’est tout le contraire : elles sont nécessaires à l’acheminement de cette production vers les lieux de consommation.
Ce maillage au niveau national a aussi l’avantage de permettre les meilleurs arbitrages de production en privilégiant à un instant T les moyens de production les moins chers et/ou les moins polluants. Demain, l’impératif de solidarité entre une région sur productive et une autre déficitaire, sera renforcé par la fermeture programmée de centrales thermiques et par la nouvelle carte de la production électrique, liée au développement des énergies renouvelables.
Le réseau de transport d’électricité assure et assurera encore plus demain le secours électrique mutuel entre les régions. La solidarité entre les territoires est également indispensable pour garantir la continuité d’alimentation électrique en cas d’avarie locale : lorsqu’une une ligne HT ou THT est rendue momentanément indisponible, une autre peut prendre le relais.
Des solutions afin de garder un état de marche du réseau qui soit optimal sont étudiées. Côté maintenance on propos des innovations importantes qui permettent la maintenance des câbles électriques toujours sous tension tout en assurant bien entendu la sécurité des lignards. On peut citer par exemple le développement d’une fourche isolante qui permet depuis le sol d’agir sur le câble toujours alimenté et de le réparer. Cette maintenance étant plus risquée en temps de pluie, des peintures hydrophobes sont envisagées afin d’empêcher à l’eau de pluie de stagner sur les lignes.
Pour les pylônes électriques, la surveillance de l’état général en hélicoptère ou bien de la corrosion depuis le sol seront enrichis par une surveillance par drones interposés. Téléguidés par un opérateur ces appareils volants dotés d’une caméra et de la faculté d’effectuer des vols stationnaires apporteront leur concours afin de vérifier la bonne tenue de la structure.
Concernant les nouveaux chantiers,la construction de nouvelles lignes passe par l’étude d’ouvrages plus esthétiques pour mieux s’intégrer dans le paysage. Il se doivent également d’être plus résistants face aux intempéries et aux ravages du temps. Doté de sa propre flotte d’hélicoptères, RTE est capables de déployer des moyens aériens afin de dépêcher des équipes de maintenance suite à une avarie mais également de construire des pylônes en temps record. Ces travaux héliportés concernent également la pose des lignes.
Les câbles ayant des performances accrues sont sans cesse imaginés et testés afin de permettre de faire circuler de plus en plus d’électricité à la demande tout en minimisant les pertes en tout genre. Les matériaux supraconducteurs font partie des études en cours afin de trouver un matériau qui soit efficace et peu onéreux. Le matériau prometteur aujourd’hui semble être le magnésium.
Enfin, l’un des avantages des sites de production d’EnR constitue également un e contrainte forte. Ces sites de productions d’énergie renouvelables peuvent voir le jour très rapidement. Il faut environ 3 ans pour un parc éolien par exemple. Si l’on considère maintenant qu’il faut attendre près de 7 ans pour obtenir les autorisations nécessaires à la construction de la ligne électrique qui devra les raccorder (puis 1 à 2 ans pour la construire), on voit qu’une adaptation du cadre administratif doit être menée. Il faut que le traitement de la “paperasse nécessaire” puisse s’adapter à la nouvelle donne énergétique pour pouvoir aboutir à une convergence entre les délais d’autorisation de construction de lignes et ceux de construction de sites d’EnR.
Prévoir, contrôler et anticiper
L’exploitation du réseau, dont l’une des missions clés est de veiller en permanence au maintien de l’équilibre entre production et consommation, est rendue plus complexe. Elle requiert plus de flexibilité, nécessite plus d’échanges de données et des modes d’exploitation plus intelligents. Le recours à l’informatique et aux télécoms va fournir des moyens supplémentaires pour une exploitation plus poussée et flexible du système électrique.
Au cœur de cette nouvelle architecture on retrouve:
- la possibilité donnée à tous les acteurs d’échanger des informations en temps réel
- la capacité du réseau à pouvoir distribuer de l’énergie de manière multidirectionnelle et non plus unidirectionnelle
- le développement d’outils de calculs et de pilotage intelligents
Ces évolutions techniques permettent au consommateur de jouer un véritable rôle dans le fonctionnement du système :
- en pilotant de manière plus fine leur consommation
- en injectant de l’électricité dans le réseau (éolien et solaire domestique,)
- en échangeant des informations avec le reste des acteurs du système (agrégateurs, fournisseurs, opérateurs de réseau…)
Les besoins de prévision de l’énergie produite par les parcs éoliens et photovoltaïques ont conduit RTE à mettre en service, en 2010, un nouvel outil informatique. Baptisé IPES (Insertion de la Production Eolienne dans le Système), ce système innovant permet d’être informé minute par minute de la production éolienne et photovoltaïque et d’établir des prévisions de production jusqu’à 48 heures. C’est l’une des premières briques du futur réseau électrique intelligent.
L’ensemble des automatismes et des logiciels qui permettent à cette électricité produite localement d’être consommée à l’autre bout de l’Europe ou bien simplement chez le voisin d’à côté forment ce que l’on appelle les Smart Grids, Il s’agit d’un réseau maillé de production, de collecte, de distribution et de consommation de l’électricité assez intelligent pour prévoir contrôler et anticiper aussi bien la production d’énergie que sa consommation et assez souple pour absorber les pics ou les gérer.
Les producteurs comme les consommateurs doivent penser ensemble les Smart Grids afin de permettre à l’électricité de trouver son équilibre vertueux.
Nous reparlerons de Smart Grids dans un prochain dossier dédié.
Conclusion
Cette présentation au sein de RTE fut très riche et très instructive. Ce genre d’exercices d’ouverture et de transparence ne sont pas aisés et on ne peut que les encourager. Il a permis à l’ensemble de l’auditoire de mieux percevoir les enjeux de cette transition énergétique dont on parle. On note que le chantier est titanesque et que même si beaucoup de choses ont été faites bien d’autres restent à faire.
Je redonne la parole à RTE pour conclure ce dossier:
Source : RTE, Transition Énergétique