Si le Wi-Fi permet à vos données de voyager dans les airs sans support filaire, il en est de même pour le Li-fi. La différence de ces 2 technologies est ailleurs et est très invisible. Alors que le Wi-Fi utilise les ondes radio pour transporter le signal numérique de votre communication, le Li-Fi transmet quand à lui vos données en utilisant les ondes de la lumière pour emmener vos données. Rencontrée au CES Unveiled de Paris j’ai voulu en savoir un peu plus sur cette technologie réseau prometteuse. Ce dossier présente le Li-Fi, une technologie permettant à la lumière de transporter des informations et de créer un réseau informatique.
Li-Fi ? Wi-Fi ?
Inutile de présenter le Wi-Fi en détail. Vous savez sûrement mieux que moi qu’il s’agit d’une technologie qui permet de relier à un réseau informatique ou directement à Internet, des ordinateurs, des tablettes ou encore des Smartphones. Tout cela se fait sans fil. Le Li-Fi est moins connu car en cours de développement même si des applications commencent à arriver. C’est une technologie tout à fait intéressante qui utilise la lumière là où le Wi-Fi fait appel aux ondes radio.
Le Li-Fi est un acronyme qui veut dire “Light Fidelity“. Il a été créé pour apporter un peu plus de similitude au Wi-Fi (Wireless Fidelity). On retrouve également les acronymes Li-Fire ou VLC (Visible Light Communication ou communication lumineuse visible) pour désigner la même technologie. Un acronyme proche du WI-FI pour une promesse similaire, transmettre des données numériques sans fil.
Le Li-Fi est une technologie de communication sans fil basée sur l’utilisation de la lumière visible comprise entre la couleur bleue (670 THz) et la couleur rouge (480 THz). Contrairement au Wi-Fi qui utilise la partie radio du spectre électromagnétique, le Li-Fi utilise le spectre optique. Le principe du Li-Fi repose sur l’envoi de données par la modulation d’amplitude des sources de lumière selon un protocole bien défini et standardisé.
Pour les plus curieux, la norme applicable est la IEEE 802.15 (Ethernet repose sur IEEE 802.3 et le WiFi sur IEEE 802.11). Cette norme permet des transmissions jusqu’à 1 Gbit/s via des modulations de l’éclairage LED.
Convertir les 0 et de 1 en signal transporté par la lumière
Si l’on revient à la base de la donnée informatique, la donnée est codée avec des 0 et des 1 (présence ou absence de courant). Pour faire simple on dit qu’en Li-Fi les 0 et les 1 sont transmis avec les 2 états de la lumière : lumière allumée (1) et lumière éteinte(0). Cette vision est un raccourci qui permet de mieux appréhender la technologie car en réalité en Li-Fi, c’est une variation subtile de l’intensité du courant à une fréquence très élevée qui est mises en œuvre, et non pas un ON/OFF brutal de la source lumineuse. Quoi qu’il en soit cela est imperceptible pour l’œil humain.
C’est le principe du morse adapté à un flux lumineux.
Si l’on utilisait les lumières issues des bonnes vielles ampoules incandescentes ces dernières ne dureraient pas très longtemps. Les allumages suivis des extinctions écourteraient leur durée de vie très rapidement. Inutile de parler des néons et autres ampoules fluo compactes qui prennent tout leur temps pour s’allumer. La solution est arrivée avec les améliorations des LED.
Ce principe n’est pas nouveau, les LED sont bien présentes depuis très longtemps dans les télécommandes infrarouge. Une pression sur un bouton et elle transmet l’ordre de changement de chaîne vers le téléviseur. Dans les cas des télécommandes c’est une lumière non visible par l’œil qui est utilisée: l’infrarouge. On envoie dans cet exemple 1 flux de données restreint qui est communiqué à un débit faible de 15 ko/sec.
La technologie Li-Fi a pu être mise au point lorsque l’on a su maîtriser et exploiter la capacité des LED à moduler leur intensité à grande vitesse pour transmettre non pas un unique signal, mais des milliers de flux de données en parallèle. Cela est obtenu en utilisant des vitesses de variation d’intensité bien supérieures à celles de la télécommande. Au final, le Li-Fi permet d’atteindre des vitesses de transmissions des données 10 X supérieures à celles du Wi-Fi.
Nous devons la technologie du Li-Fi au physicien allemand Harald Haas qui a mis au point une solution qu’il appelle « données à travers l’éclairage » en envoyant des données à travers une ampoule LED qui varie en intensité plus vite que ce que l’œil humain peut percevoir.
Haas dit que son invention, qu’il appelle également « D-Light », peut produire des débits de données supérieurs à 10 mégabits par seconde (plusieurs pilotes fonctionnent à 150 Mbit/s).
Transformer la lumière en 0 et en 1
Maintenant qu’une LED qui s’éteint et s’allume à des fréquences très élevées permet de communiquer des 0 et des 1, il faut pouvoir reconvertir cette lumière à nouveau en données informatiques. De l’autre bout du rayon de lumière on retrouve un composant qui a la capacité de capter la lumière et ses variations pour les convertir en signal électrique afin de d’être réinterprétées en données informatiques: le photo-détecteur.
Par rapport au Wi-Fi ce système est moins complexe mais aussi moins coûteux. Il n’y a pas besoin d’installer une communication radio avec ses antennes et ses récepteurs. Les LED pouvant émettre sur tout le spectre de la lumière visible il n’y a pas besoin de développer des produits spécifiques pour adresser une plage de l’onde lumineuse. Les LED classiques suffisent la plupart du temps à permettre ce transport de données. Les matériaux de base ne seront donc pas onéreux.
Le Li-Fi est une solution aux avantages multiples
Les premiers avantages que l’on peut tirer de cette technologie se rencontrent dans ses performances:
- La bande-passante du spectre optique est 10,000 fois plus importante que le spectre RF. non-licenciée et libre d’utilisation
- La bande de fréquence est entièrement libre, plus fluide, sans interférences, simple et à très haut débit. Il n’y a pas de licences à s’acquitter à l’échelle mondiale
- La « densité de données » est 1000 fois supérieure à celle du wi-fi : les RF ont tendances à s’éparpiller et à causer plus facilement des interférences, là où la lumière visible arrive à être bien « contenue » sur d’étroites zones d’éclairage.
- Le Li-Fi bénéficie d’une absence d’interférences avec les ondes radio et de brouillage électromagnétique
Son ratio rentabilité / efficacité est très intéressant :
- Peu coûteux, et requiert moins de composants que la techno Radio. De très bons résultats sont obtenus avec les LED existantes sur le marché.
- L’éclairage par LED est déjà rentable et la transmission de données ne demande qu’un ajout de puissance négligeable. On combine l’éclairage et le réseau !
- La transmission / propagation des ondes radio sous l’eau est un vrai casse-tête alors que le Li-Fi fonctionne très bien en milieu marin
Elle apporte une sécurité d’utilisation inégalée :
- A contrario des ondes radio, la lumière ne traverse pas les murs, et donc il devient plus difficile de profiter du réseau à l’insu du propriétaire. Pour accéder aux données il faut être dans le faisceau directif de la lumière de la LED. Le flux de données n’est accessible que dans le « faisceaux direct » de lumière à la différence des ondes radios qui rayonnent à travers les obstacles.
- Les données peuvent être clairement dirigées vers un appareil précis. L’utilisateur peut contrôler visuellement la diffusion de ses données. Avec la lumière il voit où les données vont. Il n’y a donc pas besoin de sécurité additionnelle comme le « pairing » pour le bluetooth. L’utilisation s’en trouve très simplifiée.
- Contrairement au Wi-Fi, le Li-Fi opère avec des ondes du spectre visible et non pas du spectre radio. Les personnes électrosensibles trouveront là un allié leur permettant d’utiliser un réseau sans fil.
- Le Li-fi ne perturbe pas les appareils sensibles, comme en milieu hospitalier ; dans les avions,…
Dans un avenir où les données pour les ordinateurs portables, les smartphones et les tablettes sont transmises par la lumière dans une pièce, les mesures de sécurité nécessaires mais rendant moins facile l’utilisation et le paramétrage d’une connexion sécurisée pourront être allégées. Par construction, la sécurité serait renforcée: si vous ne pouvez pas voir la lumière, vous ne pouvez pas accéder aux données.
Le Li-Fi a des atouts… mais aussi des inconvénients
Si le Li-fi est économe en énergie, car utilise l’éclairage et ne consomme que très peu d‘énergie supplémentaire, il ne fonctionne que si la lumière est allumée. Cette lumière peut certes être tamisée et éclairer faiblement, mais elle indispensable. Un éclairage tamisé équivalent à la lumière ambiante peut suffire à transmettre correctement des données. Dehors, le soleil peut créer des interférences. Des filtres optiques, capable de faire la différence entre lumière artificielle et la lumière naturelle doivent alors être utilisés
Le Li-Fi est aujourd’hui mono-directionnel : on ne peut que recevoir de données et on ne peut pas émettre vers le capteur la source Li-Fi. L’interactivité est donc impossible sauf en le couplant avec une autre technologie (ex CPL, WIFI….) ce qui limite son développement. On se retrouve un peu a dans le même cas que premières technologies satellitaires, qui sont désormais bidirectionnelles : les terminaux ou objets connectés des usagers ne peuvent pas émettre.
Opérant dans le spectre visible, le Li-fi est bloqué par tout corps opaque comme un mur, un simple meuble ou encore un humain. La parade consiste à ne pas employer de la lumière directe : si lumière est indirecte par exemple si elle est projetée au plafond il n’y a plus de soucis d’obstruction par des corps opaques. En faisant cela, on diffuse dans une pièce une lumière directionnelle. Le côté sécurité physique du réseau est pénalisé.
Le Li-Fi n’est qu’une technologie “des derniers mètres”. De par ses caractéristiques et sa portée, il nécessite de déployer un réseau pour les données derrière les lampes LED. Cela peut se faire de manière câblée. C’est d’ailleurs le POE (Power over Ethernet) qui permet d’alimenter à la fois en courant électrique et en réseau informatique les dalles LED utilisées et disponibles aujourd’hui pour ces applications. Le CPL est également un candidat sérieux pour l’interconnexion. Il a l’avantage de ne pas devoir modifier le câblage existant.
Ne pourrait-on pas utiliser l’infra-rouge et ainsi profiter du Li-Fi avec une lumière invisible pour notre œil comme c’est le cas pour les télécommandes ? Ce n’est pas souhaitable : les infra-rouge (IR) peuvent endommager la structure de l’œil si l’intensité est trop forte. D’ailleurs nos télécommandes à IR n’envoient des données qu’à un faible taux de transmission (entre 10 et 20 ko/sec). Cela dit, il est utile de répéter qu’il vaut mieux éviter de pointer la télécommande sur l’œil de quelqu”un. Envisager le Li-Fi en infra-rouge lui retirerait de fait l’intérêt qui est justement celui de construire un réseau de données sans consommation supplémentaire par rapport à l’énergie utilisée par la diode pour éclairer.
En maintenant ?
L’enjeu le plus important est industriel. Pour que la technologie émerge, il faut maintenant convaincre les fabricants d’appareils connectés (ordinateurs, smartphones, tablettes, objets connectés …) d’équiper en standard leur produits en Li-Fi. La problématique se répète sans cesse : sans l’effet de taille critique du parc de terminaux doté d’interfaces compatibles avec le LI-FI, cette technologie pourrait rester cantonnée à des univers très industriels pour des professionnels ou des « niches » de marché très ciblés. A ce jour, l’avenir du LI-FI n’est ni joué ni assuré. Il s’agit d’une technologie complémentaire à celles qui existent.
Lors des démonstrations auxquelles j’ai pu assister, la technologie équipait des smartphones en prenant la forme de dongles à connecter sur la prise écouteurs. Un photo-détecteur lui permettait de capter les informations. Les prochains développements prévoient d’utiliser la connectique USB. Ce sera la naissance de la clé Li-Fi. Elle pourra alors équiper les ordianteurs portables et embarquer tout ce qui est nécessaire également pour gérer le flux montant.
Le Li-Fi peut aujourd’hui, à moindre coût, permettre une diffusion de signal quand aucune remontée n’est nécessaire. Ce signal peut servir à une géolocalisation à l’intérieur d’un bâtiment ou, via une diffusion de type broadcast, à pousser des contenus sur une tablette lors d’une visite de musée. Comme avec une lampe torche, vous pouvez diriger la diffusion du flux vers un point précis
Les utilisations sont nombreuses. On peut imaginer utiliser ce système pour envoyer du contenu sur les nombreux écrans des gare, Pour proposer une connexion Internet dans un avion sans perturber les appareils de vols… On peut également imaginer utiliser ce système pour la communication en pleine mer ou entre deux véhicules sur autoroute : les phares des voitures récentes pouvant être des LED.
En ce qui concerne le souci de devoir utiliser un chemin différent pour faire remonter d’informations, la technologie évolue. Alors que la voie descendante est comme on l’a vue, celle de l’éclairage, la voie montante pourra bientôt suivre le même principe mais avec de la lumière invisible. Les problèmes de débits dans ce sens sont moins critiques : on est plutôt consommateur de données. Il n’y a donc pas besoin de beaucoup de débit.
Et pour terminer, je vous laisse en compagnie d’un court reportage sur le sujet :
https://www.youtube.com/watch?v=Hq0xV2PCcfo