Linky est le nom du compteur électrique communiquant qui est en train d’être installé dans différentes régions en France. Il est communicant principalement avec ERDF qui est et qui reste le propriétaire du compteur comme c’était le cas avec les anciens modèles. Il est communicant avec le consommateur mais beaucoup moins et encore, avec quelques réserves. Alors que certains s’accommoderont sans soucis d’une consultation à la demande sur un site web d’autres voudront certainement faire communiquer ce nouveau compteur avec leur système domotique. On peut schématiser en disant que le pont le plus complet entre Linky et la domotique du client est ce qui est appelé l’ERL (Equipement Radio Linky). On dira TRÈS pudiquement que cet ERL, tout comme Linky d’ailleurs, anime les débats.
Le compteur Linky n’est nativement et naturellement communiquant que vers les services d’ERDF, Pour permettre au compteur nouvelle génération de pouvoir diffuser ses données vers un système local du client tel qu’un système domotique, la brique technique appelée ERL a été spécifiée. Il s’agit d’une option à rajouter au compteur Linky pour lui permettre de communiquer vers la domotique du logement. C’est dommage que cette communication des données du client ne soit pas en standard. On peut s’interroger sur l’intérêt du compteur pour le client.
On peut tout de même se dire que cet ERL est une bonne nouvelle. Elle nous permettra de relier cet élément de mesure de notre consommation avec tout système domotique. Rien n’est simple malheureusement. On pouvait le redouter: l’ERL n’est malheureusement pas ouvert à toutes les discussions ni à toutes les normes domotiques radio. Il ne s’agit pas d’une discussion exempte de partis pris…
L’ERL est à considérer comme un traducteur. Il peut traduire les données collectées par Linky en un autre langage compréhensible par la smart home. L’ERL pourrait aussi être utilisé pour permettre l’affichage des consommations relevées par le compteur sur un écran déporté à l’intérieur du logement. Une consommation éclairée permet de sensibiliser les habitants aux dépenses exagérées.
Pour être efficace et sécurisé l’ERL s’appuie sur une base standardisée. Il n’existe dans le compteur Linky qu’un seul emplacement pour connecter un tel équipement communicant enfin vers le consommateur. Par décision, l’ERL est uniquement capable de s’exprimer via 2 protocoles domotiques : Zigbee et KNX. Les autres protocoles n’ont pas la possibilité d’être associés à ce compteur communicant. Les défenseurs des autres protocoles domotiques apprécieront. Les client finaux également…
Sans Zigbee ni KNX point de salut. C’est contre cette état de fait que s’élève Emmanuel François dans une tribune publiée sur LinkedIn. Président de la SBA (Smart Building Alliance for Smart Cities) on comprend qu’il veuille attirer le regard sur cette limitation. Egalement promoteur de la technologie EnOcean pour l’Europe de l’Ouest pour le compte de l’Alliance EnOcean on comprend également qu’il existe dans ce discours un intérêt non dissimulé à ce que ce blocage de l’ERL à 2 protocoles soit levé.
Que sa tribune soit partisane ou non, les pressions d’une partie des industriels pour que le nouveau compteur ait une communication bridée à 2 protocoles met en évidence encore une fois l’un des problèmes majeurs que la domotique n’arrive toujours pas à résoudre : l’interopérabilité.
Pour mettre tout le monde d’accord on peut identifier des modes plus ouverts:
- prévoir sur le port standardisé (ERL) de pouvoir y plugger le dongle pouvant discuter avec la norme domotique du client, charge aux fabricants et aux promoteurs de n’importe quelle technologie d’en assurer le développement
- prévoir un accès sécurisé en Wi-Fi pour accéder à des API locales. La prise Ethernet n’est pas mal non plus.
- prévoir un accès sécurisé pour accéder à des API disponibles sur le Cloud ERDF en perdant l’accès local et la fréquence de la mesure de la consommation
- …
Entre les mariages de raisons et les errements de la domotique autour des bastions historiques, la smart home n’est malheureusement pas prête à s’élever au dessus de ses démons de non interopérabilité…
En 2016 il est dommage que le client / consommateur ne puisse utiliser ses données relatives à ses consommations qu’en passant uniquement par le site web de son fournisseur d’électricité à la rubrique “espace client”. On n’est plus à l’époque du minitel… La domotique qui peine à s’exprimer dans les foyers n’a pas besoin d’être bridée. Tout laisse à croire que l’on veut continuer à saboter la domotique en cultivant les prés carrés et autres domaines réservés…
Voici donc la tribune qu’Emmanuel François m’autorise à republier ici sur le blog.
Linky : Choix du protocole pour l’ERL (Equipement Radio Linky) – Un mauvais débat et un combat d’arrière garde déplacé à l’heure du numérique.
Alors que le Linky se veut être un relais pour les usagers pour plus de confort et d’efficience avec un fort enjeu social, un combat d’arrière garde est en train d’être livré par un groupe d’industriels qui veulent imposer leur protocole choisi il y a une dizaine d’années comme pilier de leur stratégie industrielle. Si les enjeux sont importants pour ces acteurs qui souhaiteraient conforter leur stratégie par un choix structurant les 20 à 30 années à venir, nous pouvons nous interroger sur l’intérêt côté usager. En effet, ces solutions ont été pensées alors que la révolution numérique n’existait pas et sont aujourd’hui totalement déplacées. Au delà du décalage technique et de la non adéquation aux usages qui veulent des solutions ouvertes et évolutives, la préconisation en cours viendrait figer un paysage avec à la clé un gâchis évident et des conséquences incalculables tant pour les mandataires que les mandatés.
Plus nous avançons vers un univers tout connecté, plus l’IoT est en train de remettre en cause violemment la stratégie de tous les grands industriels traditionnels fondée il y a une dizaine d’année autour d’un ou deux protocoles radio devant assurer la colonne vertébrale de leur offre intégrée. Tous sans exception ont pensé leur stratégie sur des schémas anciens consistant à bâtir une offre complète intégrant à la fois un écosystème matériel comportant des capteurs et actionneurs, un système de contrôle et de supervision et des services associés autour de webservices, le protocole devant être ainsi le trait d’union entre chaque niveau pour une offre homogène et intégrée. Dans certains cas le protocole radio choisi était propriétaire, type X2D, IO Home Control, Coronis, Z-Wave… dans d’autres cas un protocole standardisé était sélectionné comme Zig Bee, KNX ou plus tard EnOcean.
L’interopérabilité n’a pas toujours été le premier facteur d’intérêt. Ainsi pour Zig Bee, nous avons vu fleurir une cinquantaine de Zig Bee propriétaires avant que fin 2015 l’Alliance Zig Bee annonce une migration progressive vers Zig Bee 3.0 qui ne devrait être que partiellement effective fin d’année. Dans tous les cas, les industriels ont voulu maîtriser la couche applicative du protocole sélectionné. La présence de ces industriels au Board of Direction des différentes Alliance (Zig Bee, KNX, …) était la condition sine qua non à l’adoption du protocole. Fort de cette assurance, chacun a œuvré pour bâtir un écosystème autour de leur choix dosant l’ouverture au compte goutte. L’objectif étant de gagner le plus d’industriels périphériques peu ou non concurrents permettant de bâtir une offre globale homogène.
Au delà du choix du protocole, le jeu d’Alliance était ainsi l’enjeu majeur de chacun. Ainsi quand Nest a lancé son nouveau protocole Thread, les mêmes industriels se sont empressés d’y adhérer et pour certains d’être aussitôt membre du Board pour poursuivre la même stratégie. Mais plus nous avançons plus il semble que cette stratégie ait ses limites. L’arrivée de protocoles comme Blue Tooth Low Energy (BLE) issu du Consumer Market ou de LoRa viennent remettre en cause violemment ces stratégies. Le Smartphone est à ce titre l’élément déclencheur. En effet, BLE est embarqué dans le Smartphone et LoRa est de plus en plus porté par les opérateurs télécom. L’arrivée du LiFi poussé par les LEDs qui sera intégré dans le prochain Iphone 7 devrait également contribuer à déstabiliser encore un peu plus ces fragiles écosystèmes.
Face à ce constat, il est urgent de ne pas prendre une position structurante quelque soit la pression que pourrait faire tel ou tel industriel ou groupe d’industriels. A ce jour il n’y a qu’une certitude qui semble se dessiner. Le monde des objets connectés sera IP mais cela ne règle pas tout. Il est en fait absurde et inconcevable d’avoir de l’IP à tous les niveaux. Ainsi le capteur de température ou l’interrupteur n’ont pas besoin d’être IP. Ce qui importe avant tout ici c’est la flexibilité, la sécurité et la pérennité. Le sans fil et sans pile devient incontournable dans l’IoT et à cet égard est incompatible directement avec l’IP qui est trop énergivore. Il faut donc un vecteur intermédiaire. Un protocole comme EnOcean, standard international basé sur 868 MHz en Europe, répondrai parfaitement à cet impératif.
Par ailleurs, la fréquence utilisée devient de plus en plus un enjeu clé. En effet, si 2.4 GHz est une fréquence autorisée à l’échelle de la planète, elle devient de plus en plus encombrée et de facto perturbée malgré la possibilité de sélectionner différents sous canaux. Ainsi le Royaume Uni a du convertir récemment ses 2 M de compteurs de 2,4 GHz à 868 MHz pour résoudre ces problèmes de connectivité.
Ainsi plus nous progressons, moins le choix du protocole ne doit constituer un enjeu stratégique. A ce titre, la Smart Building Alliance a bien dissocié l’univers du Bâtiment Ready2services en 3 couches distinctes:
- La couche terrain constituée d’équipements communicant avec une couche supérieure.
- La couche infrastructure du Bâtiment décrite en zones interconnectées en IP et
- la couche cloud où circulent librement les données du bâtiment pour l’émergence de services.
Les pressions que des industriels pourraient encore faire pour promouvoir leur écosystème sont à ce titre déplacées voire dangereuses. Le monde de l’IoT évolue trop vite pour que des décisions structurantes sur des années voire dizaines d’année à l’échelle d’un pays puisse être prise.
La bataille qui se livre actuellement autour de l’ERL dans le LINKY pour implanter tel ou tel protocole est à ce titre totalement hors sujet et d’un autre âge. Je suis d’ailleurs prêt à parier que ces mêmes industriels qui poussent aujourd’hui une technologie seront les mêmes qui dans à peine 3 ans en pousseront une autre. Entre temps l’usager se sera vu équiper d’un compteur communicant avec lequel il ne pourra pas ou mal communiquer… et ce aux dépens du contribuable qui aura assumé l’investissement. Lorsque l’on parle de 35 M de compteurs communicants, il ne s’agit malheureusement pas d’un petit investissement. On n’est pas loin d’un scandale national!
Salut!
Merci pour les infos
Je ne suis malheureusement pas surpris d’un éventuel lobbying sur ce dossier.. :-/
Et j’espère que cela changera avec l’intégration d’autres protocoles.
Une prise teleinfo n’est-elle pas prévue sur Linky?
Bonjour,
La prise Téléinfo est prévue. Elle pourra délivrer des données classiques Téléinfo (historique) ou des données plus pertinentes. Pour ces dernières il faudra un équipement téléinfo capable de comprendre ce nouveau dialogue plus riche.
Pour plus d’infos:
Sorties de télé-information client des appareils de comptage Linky utilisés en généralisation par ERDF
Il y a 2 prises téléinfo sur le Linky : la “standard” qui est la même que celle présente sur les compteurs de génération précédente. Et la prise “USB” qui n’utilise pas le protocole USB et qui nécessite de contacter EDF pour l’activer (et le protocole est différent de ce que l’on avait avant).
Non , il n’y a qu’une sortie sans usb modulée a 50 KHz comme sur les cbe.
Mais, il y a combien de version du Linky ? Dans un autre commentaire, Laurent indique qu’il n’y a plus la prise “USB”.
Sur mon compteur Linky il y a bien 2 prises téléinfo : la standard à 2 broches et une avec un connecteur “USB”.
D’après les informations très détaillées de l’article sur le compteur Linky du magazine Canard PC hardware numéro 28 en fait la prise “pseudo-USB” à déjà disparu des compteurs.
Les fameux modules radio seront des modules Téléinfo tout bêtes, avec une fréquence maximum de remontée d’information de 2 secondes.
Dernière info : le contact HP/HC est aussi conservé, et c’est tout pour les possibilités de domotisation, qui n’iront donc pas plus loin qu’avec un compteur de la génération précédente.
[…] Linky est le nom du compteur électrique communiquant qui est en train d'être installé dans différentes régions en France. […]
La sortie Téléinfo du Linky est documentée, tout est disponible sur le site d’Enedis/ERDF. Il s’agit d’une sortie “numérique” avec un encodage sur 8bits, soit “8 relais virtuels”. A cela est ajouté la sortie HP/HC traditionnelle en contact sec, activée par le signal horaire en CPL 175Hz.
Le module ERL n’est qu’une adaptation proposée et en cours de normalisation pour bénéficier de cette téléinfo numérique. Libre à vous/nous d’en concevoir une autre ! La sortie TIC est laissée disponible au client, il me semble.