A l’écoute de la phrase “au 4ième top il sera…” on sait que l’heure va ensuite nous être communiqué. Ce vénérable service souffle ses 80 bougies aujourd’hui. L’horloge parlante née le 14 février 1933. Bonne anniversaire!
Les français ont été les premiers à fournir ce genre de service. Est-ce parce que nous donnons l’heure au monde? Surement.
L’horloge parlante doit son existence au ras le bol d’un homme, Ernest Esclangon, le directeur de l’Observatoire de Paris. En 1933 il est lassé de voir la seule ligne téléphonique de l’institution encombrée par les appels du public pour connaître l’heure. A l’époque, l’Observatoire ne dispose que d’une seule ligne: celle du directeur. L’astronome décide alors d’automatiser la diffusion de l’heure par téléphone, en collaboration avec France Telecom. Son célèbre numéro d’accès fut ODEON 8400.
La voix enregistrée sur des bandes sonores de film photo, une technique inspirée du tout nouveau cinéma parlant. Les ingénieurs constituent un cylindre qui, grâce à la lecture optique de trois bandes, diffuse l’heure officielle.
- le premier pour l’énoncé des heures de 0 à 23 heures,
- le deuxième pour celui des minutes de 0 à 59 minutes,
- le troisième correspondant à 10, 20, 30, 40 secondes puis à l’annonce “au quatrième top, il sera exactement”.
Trois têtes à cellules photoélectriques lisent et amplifient le son. Le découpage successif des trois lectures assure l’enchainement correct des annonces horaires. Les tops secs sont espacés d’une seconde et le zéro de chaque minute correspond au début du quatrième top.
À l’époque, c’est une star de la radio, Marcel Laporte, dit “Radiolo”, qui prête sa voix. Il donne l’heure aux Français, à une précision du dixième de seconde.
Au premier jour de sa mise en service, l’invention reçoit 140.000 appels téléphoniques. Cet engouement foit que ce jour là seuls 20.000 appels ont pu être satisfaits. Ensuite, ce sont 300.000 coups de fil qui seront émis chaque mois.
Exclusivement masculine au début, la voix féminine à été expérimentée en 1954 afin de remplacer la voix du speaker. L’essai fut abandonné face aux critiques des usagers vis à vis de ce changement de ton. Depuis 1991, la voix diffusée est alternativement masculine, celle d’un comédien voulant rester anonyme, ou féminine, celle de la comédienne Sylvie Behr. Les comédiens ont enregistré cette année là les différentes syllabes des annonces dans des mémoires qui permettent de donner l’heure jusqu’en 2085.
« Un ingénieur avait recensé sur deux pages un corpus de phonèmes et de chiffres à utiliser pour donner l’heure et la date, avec parfois des liaisons particulières. C’est ce que j’ai enregistré, ça a dû prendre une heure. Ensuite, les experts ont eu trois semaines de montage pour donner naissance à toutes les combinaisons possibles », explique-t-elle. Cette Parisienne peut ainsi nous tenir informés du temps qui passe jusqu’en… 2085. « Je me souviens qu’au moment de l’inauguration, j’avais dit que c’était comme un rendez-vous que je me donnais auquel je ne serai pas »
Tour à tour, les deux voix indiquent l’heure : l’une masculine et l’autre féminine. En complément de l’heure, aujourd’hui le système donne aussi la date.
«A partir de 1991, la voix féminine fait son apparition. Et nous avons retiré le “exactement”, car il aurait fallu donner une échelle de l’inexactitude», souligne Noël Dimarcq, directeur de recherche au CNRS
Cette octogénaire, est maintenant une pièce historique conservée à l’Observatoire de Paris (14ème). Elle en est aujourd’hui à sa 4ème génération. Successivement les versions de 1965, 1975 et 1991 seront plus petites et plus automatisées. Elles ont également bénéficié des avancées scientifiques dans la mesure du temps.
80 ans plus tard, l’horloge parlante est une machine électronique. En fait plutôt quatre. en effet 4 serveurs la composent afin de gérer les pannes éventuelles. Reliés à une horloge atomique elle transmet la date et l’heure avec une précision exemplaire. Cette horloge atomique vit dans les sous-sols de l’Observatoire de Paris dont la mesure du temps exact est l’une des missions.
Aujourd’hui ce service n’est plus aussi utilisé. Les technologies disponibles, dont Internet, la rendent moins indispensable. Selon Orange, le 3699 reçoit toujours tout de même un million d’appels par an. On peut noter 2 pics d’appels: ils interviennent les jours de changement d’heure afin de synchroniser dans montres dans le bon sens.
« Aujourd’hui, on a l’heure partout, reconnaît Noël Dimarcq. Mais ce repère national peut compter par exemple dans les transports, pour les transactions bancaires, pour que toutes les bourses ferment en même temps. Pour les centres de secours aussi, qui peuvent ainsi prouver juridiquement qu’ils sont intervenus à un moment précis. Le grand public n’a sans doute pas besoin d’obtenir une mesure à la nanoseconde près. Mais je suis convaincu que l’horloge parlante continuera d’exister. Mais il faudra peut-être faire évoluer l’information.»
La poésie est terminée. L’heure exacte est aujourd’hui devenue un business que plusieurs entreprises se partagent. Chez Orange, le 3699 est devenu payant et offre ses services à 0.56€ par appel. De nombreux sites sur internet diffusent également l’information, comme horlogeparlante.com qui est gratuit gratuit mais dont l’offre téléphonique, le 36 69, est payante (à 1,35 € l’appel et 0,34 €/min). Les Smartphones ont leurs applications dédiées. Les serveurs NTP (Network Time Protocol) permettent de synchroniser sur l’heure UTC des ordinateurs à distance…
Le temps c’est de l’argent me rappelle-t-on…
Source : Observatoire de Paris