ACWA Robotics est une entreprise qui a été créée en 2018 avec comme idée de départ : apporter des solutions pour lutter contre les fuites d’eau. Si je vous dis que l’acronyme ACWA veut dire Autonomous Clean Water Appliance, cela vous met un peu sur la piste de la technologie qui y est développée. À l’arrivée de quelques années de R&D, cela a débouché sur la conception d’un robot destiné à parcourir les réseaux d’eau potable. Loin d’être pour lui une petite baignade agréable, il plonge dans l’eau potable dans le but de cartographier les tuyaux souvent invisibles et inaccessibles, car enfouis sous terre. Il est aussi mandaté pour effectuer, lors de ses périples, tout un tas de mesures permettant de déterminer le niveau d’usure de la canalisation dans le but de permettre une maintenance prédictive ou curative efficace du réseau d’acheminement de l’eau.
Un précieux liquide trop souvent gâché
Le fabricant indique qu’on estime que dans le monde entre 20% et 40% de l’eau potable est perdue lors de son transport. La France est plutôt dans les bons élèves en ne perdant que 20% de sa production d’eau potable. C’est moins colossal, mais cela reste beaucoup trop. La raison est principalement l’obsolescence des conduits d’eau et le manque de moyens pour les entretenir et les renouveler qui va de pair. Les fuites peuvent provenir de la corrosion, de mauvaises poses des conduites, de coups de béliers lors de la remise en marche après un arrêt, ou encore à cause d’une pelleteuse ayant malencontreusement éventré une canalisation non répertoriée.
Ce n’est pas forcément les fuites d’eau dans les maisons, les immeubles ou les bâtiments qui vont perdre le plus d’eau. En effet, dans ces contextes, les résidents se rendent compte des dégâts relativement rapidement. Lorsque la canalisation est enterrée et qu’elle court en sous-sol dans la pleine campagne, c’est beaucoup moins évident de s’apercevoir qu’il y a une perte. C’est sur ce second terrain qu’intervient ACWA et son robot. En cas de soupçon de fuite d’eau, ou même avant que les soupçons ne surgissent, la technologie développée permet d’identifier les endroits des dégâts réels ou potentiels. Cela évite d’aller à l’aveugle en ouvrant la terre et en entamant ce qui ressemblerait à des fouilles plus ou moins aléatoires à la recherche du patrimoine commun perdu : l’eau potable.
Sur le continent européen, on estime que seuls 20 à 30% des réseaux d’eau potable sont correctement cartographiés. C’est très peu et c’est insuffisant pour savoir où intervenir à défaut d’avoir identifié quand rénover. Seules les réalisations récentes ont été géo-localisées lors de leur réalisation. Pour le reste, les données sont souvent approximatives et reposent sur des cartographies anciennes ou tout simplement… sur la mémoire humaine. Les robots d’ACWA Robotics permettent à ses clients de reprendre en main la compréhension du réseau dont ils ont la charge. Ils peuvent ainsi décider efficacement où et quand renouveler une canalisation et planifier leurs interventions préventives ou curatives afin de réduire radicalement les pertes d’eau et les coûts de maintenance associés.
Un robot d’eau douce et potable
La solution d’ACWA Robotics , une entreprise française installée à Bastia et à Aix en Provence, consiste à proposer un robot qui est conçu pour se promener dans les canalisations d’eau potable de manière autonome. Ça tombe bien, car le GPS ne passe pas sous terre, tout comme la moindre technologie sans fil qui permet de piloter à distance un tel drone nageur. Ces robots sont conçus pour résister à une pression allant jusqu’à 20 bars, ainsi qu’à des courants allant jusqu’à 2 m/s. Il se déplace en toute autonomie énergétique utilisant le courant dans la canalisation. Il peut également revenir sur ses pas à contre-courant si cela est nécessaire. Il se présente sous la forme d’un long cylindre qui a la faculté de pouvoir se plier et se déplier pour avancer tout en suivant la courbure des tuyaux. Il se meut un peu comme un vers de terre qui aurait des petits bras pour prendre appuis sur les parois internes des canalisations.
Le premier avantage de cette technologie est d’avoir conçu un robot capable de parcourir les réseaux d’eau potable sans en interrompre le fonctionnement, épargnant ainsi à de nombreux foyers de se retrouver sans eau le temps de l’inspection. Il n’y a pas d’opérateur pour le piloter pendant la mission d’inspection. Le robot reçoit son ordre de mission avant de plonger et doit se débrouiller tout seul dans le conduit jusqu’à la sortie. Il peut ainsi être programmé pour aller à un point donné et rebrousser chemin vers son point de départ. Tout au long de son périple, il collecte les données qu’il stocke dans sa mémoire embarquée et qui ne pourront être exploitées qu’une fois le robot sera revenu à bon port.
Ce robot d’ACWA plonge dans l’inconnu en suivant sa mission embarquée qui lui indique où il doit aller et quelle est la nature et la fréquence des relevés qu’il doit effectuer lors de sa plongée. Pour ne pas risquer de le perdre, il peut tout de même être relié à son port d’attache grâce à un câble de 2 km, un vrai fil d’Ariane. En cas de difficulté, les techniciens chargés de la mission pourront utiliser ce câble pour le ramener au cas où il serait bloqué dans la canalisation par exemple.
Un robot pluridisciplinaire au service de l’eau
Le premier travail de ce robot consiste à cartographier le réseau. 60 à 70 ans après la pose des conduites, il n’est pas rare que les plans de pose des canalisations ne soient plus très fiables… Après avoir cartographié les lieux, le robot peut ensuite effectuer tout un tas de mesures et de relevés pour connaitre l’état des tuyaux qu’il parcourt. Il peut ainsi contribuer à déterminer où et quand réparer le réseau de distribution avant que les fuites ne se produisent.
Parmi les outils embraqués sur le robot d’ACWA on retrouve des caméras permettant la prise d’image HD. Ces prises de vues sont possibles du fait qu’il évolue dans de l’eau potable et donc claire. En plus de ces clichés haute définition, le robot peut effectuer des mesures acoustiques et de ce fait effectuer des relevés d’épaisseur de conduits grâce à des ultra-sons. Il peut mettre en évidence des microfissures ou de franches fuites. Les champs magnétiques de Faucault vont permettre de déceler la corrosion. Pour collecter la donnée, le robot peut être équipé des capteurs standards ou spécifiques tels que des capteurs de température, de pression, de dureté de l’eau, des capteurs acoustiques ou magnétiques pour étudier la corrosion, des capteurs de geo-spatialisation pour se repérer dans le sol, de détecteurs de bactéries…
Ces données peuvent être livrées brutes au client s’il le souhaite. Il peut également compter sur l’expertise de ACWA pour agréger tous ces points de données et faire parler les relevés. Lorsque les capteurs permettent d’identifier les pertes d’eau en les combinant avec la technologie embarquée de positionnement, cela permet d’indiquer précisément où il faut intervenir. Le client acquiert ainsi une connaissance de l’état patrimonial du réseau de distribution de l’eau.
Il est prévu que le robot soit commercialisé fin 2023. Il termine en ce moment ses derniers tests et ajustements en conditions réelles avant que ne soit lancé la production des premières unités. Même si tout n’est pas encore figé, l’entreprise proposera très certainement le robot à la vente, mais en plus via un “service au km”. Cela permettra au client de s’affranchir de l’apprentissage du maniement du robot en faisant appel à ACWA pour acheter seulement un service et les données collectées et analysées qui en découlent.
En attendant les premières modèles de série, avec cette invention, ACWA Robotics a déjà remporté 2 CES 2023 Innovation Awards : l’un dans la catégorie Smart Cities et l’autre dans la catégorie Sustainability, Eco-Design & Smart Energy. Ils ont été annoncés par les organisateurs du CES Unveiled qui a eu lieu cette semaine à Paris. Avec son robot Clean Water Pathfinder, Acwa Robotics contribue à l’effort de guerre contre les fuites en apportant un drone aquatique autonome dans le combat qui consiste à protéger cette ressource, cette denrée de plus en plus rare : l’eau potable.